Dans le monde obligataire, la duration est un indicateur essentiel pour mesurer la sensibilité du prix d’une obligation aux variations des taux d’intérêt. La duration modifiée, largement utilisée, repose sur une hypothèse simplificatrice : seuls les taux sans risque (comme ceux des obligations d’État) changent, tandis que les spreads de crédit restent constants. Pourtant, dans la réalité des marchés, ce n’est pas le cas. C’est là qu’intervient la duration empirique, qui reflète les mouvements conjoints des taux sans risque et des spreads de crédit.
Des taux sans risque et des spreads souvent inversement corrélés
Les taux sans risque et les spreads de crédit évoluent souvent en sens opposé. En période de croissance économique, les investisseurs prennent plus de risque, vendent des obligations d’État pour acheter des actifs moins sûrs mais plus rémunérateurs, ce qui fait monter les taux sans risque. Dans le même temps, la perception du risque de défaut diminue, et les spreads se resserrent.
Cette combinaison, hausse des taux sans risque et baisse des spreads, peut neutraliser en partie l’effet théorique de la hausse des taux sur les prix des obligations, notamment celles de moindre qualité. Résultat : leur prix réagit moins fortement aux variations de taux que ce que prévoit la duration modifiée.
À l’inverse, dans une période de ralentissement économique, les taux sans risque baissent, mais les spreads de crédit s’écartent, ce qui limite l’effet positif de la baisse des taux sur les prix des obligations risquées.
Un exemple concret : obligation d’une entreprise énergétique notée BB
Prenons une obligation émise par PetroNordic, une entreprise énergétique notée BB, à 4 ans de maturité, qui offre un rendement de 7
%. Au même moment, une obligation d’État de maturité similaire offre 3 %. Le spread de crédit est donc de 4 %.
La duration modifiée de l’obligation PetroNordic est estimée à 3,8.
Imaginons maintenant qu’un choc économique survienne : les investisseurs se réfugient dans les actifs sûrs, provoquant une baisse des taux sans risque à 2 % (flight to quality). La duration modifiée nous indique alors que l’obligation devrait augmenter de 3,8 % (car les taux de référence baissent de 1 %).
Mais dans le même temps, le risque perçu sur les obligations d’entreprises augmente, et le spread de crédit s’élargit à 5 %. Le nouveau rendement exigé par le marché pour PetroNordic devient donc :
2 % (nouveau taux sans risque) + 5 % (nouveau spread) = 7 %
Le rendement reste inchangé à 7 %, donc le prix de l’obligation ne varie pas. Malgré la baisse des taux d’intérêt, la hausse du spread compense exactement cet effet.
La sensibilité réelle du prix de l’obligation à la baisse des taux est nulle, alors que la duration modifiée prévoyait une hausse de 3,8 %. La duration empirique, fondée sur des observations de marché, capte cette réalité et sera donc inférieure à la duration modifiée.
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